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Ordonnance numérique : enjeux, fonctionnement et perspectives pour les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription

Ordonnance numérique : enjeux, fonctionnement et perspectives pour les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription

La transformation numérique dans le secteur de la santé se concrétise notamment par la dématérialisation des prescriptions, avec l’avènement de l’ordonnance numérique. Ce dispositif vise à sécuriser et simplifier l’ensemble du parcours de la prescription médicale, en améliorant la coordination entre prescripteurs et exécutants, et en offrant aux patients un accès simplifié à leurs données de santé via leur Dossier Médical Partagé (Mon Espace Santé). Pour les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription (LAP), ce virage représente à la fois un défi technique et une opportunité stratégique, avec des exigences de certification strictes et des impératifs d’interopérabilité.

Sommaire

Qu’est-ce que l’ordonnance numérique ?

L’ordonnance numérique se définit comme suit :

  • Dématérialisation à la source : Le logiciel de santé utilisé par le prescripteur enregistre et transmet, dès la rédaction, l’ensemble des données de la prescription vers une base de données sécurisée, hébergée par l’Assurance Maladie. Ce processus assure une collecte structurée (médicaments, soins, posologies) des informations.
  • Accès sécurisé et authentification : Seuls les professionnels de santé disposent d’un accès à cette base, via une authentification forte – généralement par le biais de leur carte professionnelle. Ce mécanisme garantit que seules des personnes autorisées peuvent consulter ou modifier les données.
  • Prescription papier et QR Code : Bien que la prescription soit dématérialisée, le support papier demeure. Un QR Code y est apposé, véhiculant un identifiant unique qui relie le document physique aux données stockées électroniquement.
  • Intégration à Mon Espace Santé: Avec le consentement du patient, l’ordonnance numérique est automatiquement transférée sous forme de fichier PDF dans son Dossier Médical Partagé (DMP), accessible via « Mon espace santé ».
  • Exécution et suivi : Lorsqu’un professionnel chargé d’exécuter la prescription (pharmacien, par exemple) scanne le QR Code, il accède aux données de la prescription depuis la base de l’Assurance Maladie et envoie, parallèlement à la facture, les données d’exécution pour assurer la traçabilité du soin.

Ce dispositif s’inscrit dans un contexte de modernisation du système de santé et vise à lutter contre la fraude – avec des économies potentielles estimées à plus d’un milliard d’euros – tout en améliorant la sécurité et la qualité des soins.

Les aspects techniques et d’intégration

Pour réussir l’implémentation de l’ordonnance numérique, les éditeurs doivent relever plusieurs défis techniques, qui se résument de la manière suivante :

Intégration des API et structuration des données

  • Transmission des prescriptions : Le logiciel de santé doit interagir avec les API de l’Assurance Maladie. Lorsqu’un prescripteur rédige une ordonnance, celle-ci est envoyée dans un format structuré (intégrant notamment les codes CIP pour les médicaments, et d’autres référentiels pour les dispositifs médicaux) vers la base dédiée.
  • Génération du QR Code : Le téléservice de l’AM renvoie un identifiant unique, le nom du patient, et un lien sécurisé vers la base de l’Assurance Maladie pour chaque prescription. Ce numéro doit être intégré par le logiciel sous forme de QR Code, qui sera apposé sur la version papier de l’ordonnance. Ce QR Code facilite la récupération des données par le professionnel exécutant la prescription.
  • Mise à jour du statut : Après exécution, le logiciel doit interroger l’API de l’Assurance Maladie pour récupérer le contenu de la prescription et mettre à jour le statut (exécution, facturation, etc.) afin d’assurer la traçabilité complète du parcours de soins.
  • Connexion à Mon Espace Santé : L’intégration avec le Dossier Médical Partagé nécessite l’utilisation de connecteurs spécifiques qui permettent de déposer la prescription numérique dans le dossier du patient.

Certification et marquage CE

  • Agrément CNDA : Pour être intégrés aux téléservices de l’Assurance Maladie, les logiciels doivent obtenir l’agrément du Centre National de Dépôt et d’Agrément (CNDA). Ce processus comprend des tests en pré-série (généralement sur une cohorte d’au moins 5 praticiens dans une zone définie) et des audits fonctionnels qui vérifient la conformité technique et ergonomique du logiciel. Le délai moyen pour ces tests est de 3 à 4 mois.
  • Marquage CE : Comme pour tout logiciel d’aide à la prescription (LAP), l’obtention du marquage CE (CE IIa ou IIb) est obligatoire pour garantir que le logiciel respecte les normes européennes en matière de dispositifs médicaux. Ceci est indispensable pour commercialiser le produit au niveau européen.

Processus de présérie

Le dispositif d’ordonnance numérique prévoit la mise en place d’une phase de présérie. Cette étape, obligatoire pour les éditeurs, permet de vérifier le bon fonctionnement du service de bout en bout, avant le déploiement entier du dispositif. Pour les éditeurs, cela signifie qu’ils doivent préparer une version « présérie » de leur logiciel, soumise à une batterie de tests par les instances de contrôle (CNDA, ANS, etc.).

Les délais peuvent varier en fonction de la qualité du dossier de candidature et de la réactivité de l’éditeur. En règle générale, un délai de 2 à 4 mois peut être envisagé pour un dossier complet, alors que le délai maximum légal est de 6 mois à compter de la soumission du dossier complet (source : industriels.esante.gouv.fr).

Il convient également de noter que les éditeurs de téléconsultation, même s’ils ne sont pas directement soumis à l’obligation Forfait Structure (FS) dans le cas du téléservice, peuvent être amenés à intégrer des modules d’ordonnance numérique, ce qui soulève la question de leur prise en compte dans le dispositif global.

Même si l’éditeur a intégré les modules requis, une phase de présérie reste indispensable pour :

  • Valider l’intégration en conditions réelles, en sélectionnant des PDS (professionnels de santé exécutants) dans plusieurs centres.
  • Assurer un taux d’ordonnances numériques d’au moins 50 % et que 70 % des prescriptions sont correctement créées dans la base de l’AM.
  • Vérifier l’absence d’anomalies sur les fonctions critiques telles que « créer », « consulter » ou « rechercher » les prescriptions.
  • Obtenir un retour positif de la part des inspecteurs et des utilisateurs, ce qui est déterminant pour la certification finale.

Cadre réglementaire et enjeux de conformité

Référencement Ségur et exigences spécifiques

Dans le cadre du Ségur du numérique en santé, les éditeurs doivent répondre à 146 exigences pour les logiciels de gestion en médecine libérale. Parmi celles-ci, deux exigences sont directement liées à l’e‑prescription :

Exigence n°75 – Génération d’une e‑prescription

Le logiciel doit gérer la e‑prescription conformément aux spécifications du package e‑prescription – Prescripteur v01.00, en obtenant l’autorisation CNDA et en fournissant la preuve d’accès au téléservice.

Exigence n°76 – Utilisation d’une base médicamenteuse agréée

Le système doit intégrer une base de données médicamenteuse de référence agréée par la HAS, et permettre, lors d’une prescription, de démontrer l’utilisation et la référence correcte des médicaments.

Ces exigences garantissent la sécurité et la fiabilité de la prescription électronique, en assurant notamment que chaque ordonnance alimente le DMP sous un format standardisé (CDAR2 niveau 1) et qu’elle peut être contrôlée lors de l’exécution.

Risques et sanctions en cas de non-conformité

Une mauvaise implémentation du dispositif d’ordonnance numérique peut entraîner plusieurs conséquences :

  • Perte de financement : Le non-respect des critères d’e‑prescription peut conduire à la non‑prise en charge du Forfait Structure (FS) par l’Assurance Maladie, avec un impact financier direct pour le médecin.
  • Retrait de certification : En cas d’implémentation défaillante, l’éditeur risque le retrait de l’agrément CNDA et la suspension de l’accès aux téléservices de l’Assurance Maladie.
  • Sanctions administratives : Des audits et inspections réguliers peuvent détecter des dysfonctionnements, pouvant conduire à des sanctions administratives et à une perte de confiance de la part des professionnels de santé.

Nouveauté réglementaire : la nouvelle dotation numérique (Donum)

À partir du 1ᵉʳ janvier 2026, une nouvelle dotation numérique, appelée « Donum », viendra remplacer le forfait structure actuel. Cette dotation, destinée à favoriser l’équipement et l’utilisation des solutions numériques sécurisées, se caractérise par :

Indicateurs socles

Deux indicateurs principaux sont définis :

  • Disposer d’un logiciel référencé Ségur à la dernière version (incluant un LAP certifié par la HAS et une version du cahier des charges SESAM-Vitale mise à jour).
  • Atteindre un taux moyen d’utilisation des principaux téléservices sécurisés (déclarations médecin traitant dématérialisées, télétransmission de feuilles de soins électroniques, protocoles de soins électroniques pour les patients en ALD, avis d’arrêt de travail dématérialisés) qui doit être égal ou supérieur à une cible fixée (par exemple, 60 % en 2026, 80 % en 2028).
  • Si ces deux indicateurs sont atteints conjointement, le médecin pourra bénéficier d’une rémunération dont le montant maximal est fixé (par exemple, 2 940 € par an, avec une valeur du point à 7 €).

Indicateurs optionnels

En complément des indicateurs socles, d’autres indicateurs optionnels valorisent :

  • Le taux d’utilisation d’autres téléservices sécurisés (certificat médical dématérialisé d’accident du travail, prescription électronique de transport, déclaration simplifiée de grossesse en ligne).
  • Le taux d’usage du numérique en santé (alimentation du DMP, recours à l’ordonnance numérique).
  • L’usage de l’application Carte Vitale et de la messagerie sécurisée de « Mon espace santé ».
  • La moyenne de ces taux, si elle atteint ou dépasse une cible définie, permet de compléter la rémunération.

Cette nouvelle dotation vise à recentrer la rémunération sur l’usage effectif des outils numériques et à simplifier les indicateurs, renforçant ainsi l’attractivité de l’exercice libéral par une meilleure valorisation des pratiques numériques.

Positionnement sur le marché et perspectives stratégiques

Solutions disponibles pour les éditeurs

Pour faciliter l’implémentation de l’ordonnance numérique, les éditeurs de logiciels peuvent recourir à des partenariats avec des acteurs spécialisés dans l’aide à la prescription. Ainsi, Posos se positionne comme une solution complète, permettant via des modules de prescription intégrables – soit sous forme de widgets embarqués directement dans l’interface du logiciel, soit via une API REST certifiée CE (dispositif médical de classe IIb) – de répondre aux exigences du référentiel LAP et d’atteindre le marquage CE.

Les atouts de la solution Posos résident notamment dans les points suivants :

  • Intégration simplifiée : Les modules de prescription Posos peuvent être intégrés directement dans le logiciel de prescription existant, grâce à un SDK Javascript (via une iframe) ou une API REST, permettant une personnalisation complète des écrans et une installation rapide.
  • Conformité réglementaire renforcée : Marquée CE en tant que dispositif médical de classe IIb, la solution Posos facilite l’obtention des certifications nécessaires. Elle permet ainsi aux éditeurs de satisfaire aux critères LAP sans devoir repasser un audit complet pour chaque mise à jour.
  • Base de données certifiée HAS : La solution intègre une base de données de médicaments certifiée par la HAS, garantissant ainsi une information fiable et conforme aux exigences de l’ordonnance numérique. Cette base est essentielle pour assurer la sécurité et la traçabilité des prescriptions.
  • Interopérabilité et modularité : Grâce à une architecture basée sur des standards internationaux (notamment FHIR), Posos assure une interopérabilité optimale entre le logiciel du prescripteur, les téléservices de l’Assurance Maladie et le Dossier Médical Partagé (DMP).

En s’appuyant sur la solution Posos, les éditeurs peuvent externaliser une partie complexe de l’intégration technique tout en garantissant une conformité continue aux évolutions réglementaires. Cela permet notamment de réduire les délais de certification CNDA et d’assurer une transition fluide vers l’ordonnance numérique, tout en offrant aux praticiens une expérience utilisateur optimisée.

Impact de la nouvelle dotation numérique (Donum)

La mise en place du Donum dès 2026 va redéfinir les modalités de rémunération des médecins. Pour bénéficier de cette nouvelle dotation, il est impératif que le praticien dispose :

  • D’un logiciel référencé Ségur (intégrant un LAP certifié par la HAS et respectant le cahier des charges SESAM-Vitale).
  • D’un taux d’utilisation conforme aux indicateurs socles et optionnels (tels que l’usage des téléservices sécurisés, l’alimentation du DMP et l’utilisation de l’application Carte Vitale).

Cette nouvelle approche, basée sur des indicateurs resserrés et simplifiés, vise à récompenser l’usage effectif des outils numériques, tout en incitant les éditeurs et les professionnels à se doter de solutions à la pointe de la technologie.

Spécificités sectorielles et impacts différenciés

Le secteur de la médecine de ville

Dans le secteur de la médecine libérale, le déploiement de l’ordonnance numérique concerne principalement les éditeurs de LAP et LAD (logiciels d’aide à la prescription et de gestion de cabinet).

Pour ces professionnels, l’obligation de se conformer aux exigences Ségur est un levier financier majeur, puisque le financement du Forfait Structure (FS) et l’accompagnement HAS offrent des « carottes » attractives en termes de prise en charge des coûts de mise à jour du logiciel. Cependant, la complexité technique du dispositif (intégration de modules CNDA, authentification INS, etc.) impose une préparation minutieuse et des délais de déploiement serrés.

La téléconsultation : entre incitation et exemptions

Les éditeurs de logiciels dédiés à la téléconsultation sont également concernés par le dispositif d’ordonnance numérique. Toutefois, puisque le téléconsultation n’est pas directement intégré dans le périmètre du FS, l’obligation de se conformer aux exigences est moins contraignante sur le plan financier.

Néanmoins, les référentiels de l’ANS et de la HAS imposent une conformité stricte pour garantir la sécurité des consultations à distance. En outre, le LET (laboratoire d’essai technique) exerce une pression supplémentaire pour que les éditeurs se mettent en conformité, même si certains praticiens peuvent être exemptés en l’absence d’outils adaptés. La question demeure quant à savoir si les éditeurs de téléconsultation seront pleinement intégrés au dispositif de l’ordonnance numérique, et comment leurs solutions seront évaluées dans le cadre des préséries

Le cas des hôpitaux

Il est important de souligner que, pour le moment, l’ordonnance numérique ne s’applique pas aux prescriptions réalisées et exécutées entièrement au sein des établissements hospitaliers, ni aux hôpitaux des armées. Toutefois, l’Assurance Maladie envisage une application progressive aux actes prescrits en établissements et délivrés en ville. Cette évolution soulève des questions quant à l’interopérabilité entre les systèmes hospitaliers et les logiciels de prescription de ville, et à l’intégration de ces acteurs dans le dispositif global.

Conclusion

La mise en œuvre de l’ordonnance numérique représente une transformation profonde pour le système de santé, tant sur le plan technique que réglementaire. Pour les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription, il s’agit d’un double enjeu : garantir une intégration technique irréprochable (via la gestion des API, la sécurisation des échanges et l’authentification INS) et se conformer aux exigences strictes du CNDA, du Ségur et du marquage CE.

Par ailleurs, la nouvelle dotation numérique (Donum) à partir de 2026 vient renforcer l’incitation financière pour l’usage des solutions numériques sécurisées, offrant ainsi une perspective attractive pour l’ensemble des acteurs de l’exercice libéral.

En adoptant une approche intégrée, en veillant à la qualité des tests (phase de présérie) et en assurant une veille réglementaire constante, les éditeurs pourront non seulement répondre aux exigences actuelles mais aussi anticiper les évolutions futures, transformant ainsi un défi en véritable opportunité de croissance et d’innovation.

Références

  1. Ameli.fr – Informations sur l’ordonnance numérique et ses modalités de fonctionnement (consulté récemment)
  2. ameli.fr
  3. G_NIUS – Présentation du dispositif d’ordonnance numérique et de son déploiement progressif
  4. gnius.esante.gouv.fr
  5. Décret n°2023-1222 du 20 décembre 2023 relatif à la prescription électronique sur Légifrance
  6. legifrance.gouv.fr
  7. Nouvelle dotation numérique (Donum) – Mesures en faveur de l’attractivité de l’exercice libéral, Ameli.fr, 28 novembre 2024

Goulven de Pontbriand
Head of Growth & Marketing

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