Comment réaliser efficacement un bilan partagé de médication ?
En France, les personnes âgées de 80 ans ou plus prennent en moyenne cinq types de médicaments différents chaque jour, soit dix comprimés ou gélules en tout. Pour les personnes âgées de 70 à 80 ans, la prise moyenne est de huit médicaments différents (source : (1) Hôpital parisien Georges-Pompidou). Cette prise conséquente de médicaments peut entraîner des effets indésirables, pouvant varier en gravité pour ces patients. Ce phénomène est communément appelé "iatrogénie médicamenteuse" et en mars 2018, une solution a été instaurée pour lutter contre : il s’agit du bilan partagé de médication.
Sommaire
Qu’est-ce que le bilan partagé de médication ?
Mis en place il y a 5 ans en France, le bilan partagé de médication (BPM) est un soutien pharmaceutique offert aux patients de plus de 65 ans souffrant d’une ALD (affection de longue durée) ou ceux polymédiqués de plus de 75 ans. Cet accompagnement est dispensé par les pharmaciens d’officine dans le but de lutter contre la iatrogénie médicamenteuse et de répondre à toutes les questions des patients. Il est totalement pris en charge par l’Assurance Maladie.
Il diffère de l’entretien pharmaceutique qui n’a pas de critère d’âge et qui est centré sur un seul traitement (par exemple : un traitement de fond de l'Asthme, du Diabète, Anticoagulant ou encore Anticancéreux).
Si toutes les officines ne peuvent pas encore proposer le bilan partagé de médication à leurs patients par manque de temps ou manque d’espace, car il faut être équipé d’un espace de confidentialité, cette pratique est de plus en plus répandue et tend à se développer. Par ailleurs, certaines Facultés de Pharmacie demandent à leurs étudiants d’en réaliser plusieurs durant leurs stages.
Tout d’abord, il faut savoir que pour réaliser un bilan partagé de médication, les pharmaciens doivent obtenir l’accord du patient via un bulletin d’adhésion et de désignation du pharmacien proposé et créé par l’Assurance Maladie. Ce sont les pharmaciens qui vont proposer aux patients, correspondant aux critères cités précédemment, lors de leur passage à l’officine s’ils souhaitent réaliser un bilan partagé de médication. C’est aussi à ce moment précis que le pharmacien va pouvoir expliquer au patient en quoi consiste pour lui le bilan de médication et comment il fonctionne.
Pourquoi réaliser un bilan partagé de médication ? Les 2 raisons principales.
1 - Lutter contre la iatrogénie
Comme cité précédemment, le but premier de la réalisation d’un bilan partagé de médication est de réduire la iatrogénie chez les patients. Il s’agit d’un sujet crucial, car les hospitalisations causées par un effet indésirable médicamenteux ont augmenté en France de 136 % en 10 ans (source : IATROSTAT (2)). La Haute Autorité de Santé (HAS(3)) a par ailleurs déclaré que les hospitalisations en urgence des personnes de plus de 75 ans sont attribuables à hauteur de 20 % à la iatrogénie médicamenteuse, tandis que cette proportion s'élève à 25 % pour les admissions des individus de plus de 85 ans. C’est donc pourquoi, des efforts sont mis en place pour accompagner les patients à obtenir des connaissances sur leurs traitements.
2 - Fidéliser ses patients
70 % des Français font aujourd’hui confiance à leur pharmacien (5) et ce type d’entretien contribue fortement à renforcer la relation entre ce professionnel de santé de proximité et sa patientèle. En effet, en leur prodiguant des conseils et en apprenant à davantage les connaître, ce qui renforce aussi la relation entre le pharmacien et son patient sur du long terme. Une confiance s’instaure, permettant une reconnaissance individuelle.
Comment se passe un entretien de Bilan partagé de médication (BPM) ?
Etape 1 : réalisation de l'entretien de recueil avec le patient
Premièrement, il y a un premier échange, appelé entretien de recueil, entre le pharmacien d’officine et le patient. Ce dernier lui fournit ses prescriptions médicales, mais également les médicaments en vente libre (OTC), les compléments alimentaires et produits de phytothérapie pris récemment. Durant cet entretien pouvant aller de 30 à 60 minutes, le pharmacien questionne aussi le patient sur ses habitudes de vie afin de bien cibler son quotidien et de savoir si le patient prend correctement ses traitements. Il demande au patient si selon lui certains médicaments fonctionnent moins bien ou s’il a constaté des effets secondaires. L’intention est d'instaurer la confiance chez le patient, afin qu'il puisse s'exprimer en toute liberté.
Comme l’explique Ameli (6) dans un article dédié, le professionnel de santé peut s’appuyer sur le Dossier Médical Partagé (DMP) du patient pour préparer l’entretien et se concentrer sur sa discussion avec le patient. Il peut aussi utiliser le Dossier Pharmaceutique (DP) accessible par tous les pharmaciens avec la carte vitale qui lui donne accès à tous tous les médicaments délivrés depuis les 3 derniers mois.
Dans certaines pharmacies, ce qui est particulièrement avantageux, c'est la relation de confiance déjà instaurée entre le personnel soignant et les patients.
Etape 2 : l’analyse des traitements du patient pour améliorer son observance
Après avoir récolté toutes les informations nécessaires au suivi du patient, le pharmacien va pouvoir commencer à analyser ses prescriptions et traitements. Ce temps de préparation avant de recevoir à nouveau le patient est important pour constater s’il y a des effets indésirables, interactions, contre-indications, une charge anticholinergique ou encore un défaut d’observance, etc.
L’analyse devra être transmise au médecin traitant via la fiche de transmission disponible sur Ameli avec ces données précises :
- Produit,
- L’origine du prescripteur ou automédication,
- Les dosages et formes,
- Fréquence,
- Problèmes liés à la forme galénique,
- Problèmes d’observance,
- Effets indésirables (s’il y en a),
- Remarques liés à l’analyse,
- Alertes pour la famille ou les proches.
Dans ce résumé, le pharmacien pourra également recommander si nécessaire au médecin des interventions pharmaceutiques, c’est-à-dire lui proposer par exemple d’optimiser les traitements que ce soit dans le dosage, la forme galénique…, ou même l’arrêt ou le remplacement de certains médicaments.
Etape 3 : l’entretien de conseil et de remise d’analyse
Vient ensuite un nouvel entretien avec le patient au sein de la pharmacie pour lui faire part de l’analyse et lui donner des conseils concernant :
- Sa prise de médicaments : moments de prise dans la journée et avant/pendant/après repas, plan de prise personnalisé…,
- L’hygiéno-diététique selon la problématique évoquée par le patient : conseils pour les problèmes de sommeil, régime dans le cadre d'un diabète…,
- Le(s) spécialiste(s) à consulter si besoin. Prenons le cas d’une pharmacienne qui nous a expliqué avoir reçu une patiente dans le cadre d’un bilan partagé de médication qui avait des problèmes rhumatologiques qui ne pouvaient pas d’après elle être gérés uniquement par un médecin généraliste. Elle lui a donc recommandé de prendre rendez-vous pour une consultation chez un rhumatologue.
Le pharmacien est là également pour répondre à toutes les questions du patient et l’accompagner dans l’acquisition de meilleures connaissances concernant ses médicaments. Indispensable quand on sait que 34 % des patients oublient parfois de prendre leur médicament et que 11 % adaptent eux-mêmes leur prescription. Toujours selon cette même étude Ifop, 3 % prennent la décision d’arrêter leur traitement avant la fin (6).
Etape 4 : les entretiens de suivi avec le patient
Durant l’entretien-conseil, le pharmacien et le patient ont pu prendre rendez-vous pour une autre entrevue de suivi d’observance afin de continuer la bonne prise en charge des traitements. Plusieurs mois plus tard, c’est l’occasion de :
- Analyser les approches instaurées avec le patient et/ou changement dans le traitement par le médecin traitant ;
- Réexaminer sa conformité au traitement et son degré de suivi (3). Par exemple, savoir s’il se sent mieux.
Le médecin traitant doit continuer de recevoir les comptes rendus et une communication entre les professionnels de santé en charge des soins du patient est essentielle. Si certains médecins ne sont pas encore familiarisés avec cette démarche, le bilan partagé de médication a déjà fait ses preuves et il renforce la relation entre les patients et les pharmaciens, mais aussi entre les professionnels de santé. En effet, cela favorise la collaboration interprofessionnelle.
À noter : à l’instar des autres étapes du bilan partagé de médication, Ameli met à disposition des pharmaciens des fiches d’entretien-conseil.
Etape 5 : le bilan partagé de médication définitif
Enfin, pour terminer ce bilan partagé de médication, le patient aura un dernier échange avec le pharmacien qui a pour objectif selon Ameli “d’offrir une vision d’ensemble de la situation du patient au regard de l’accompagnement” (3). Tous les entretiens seront résumés pour que le médecin traitant, le patient et le pharmacien puissent avoir le même niveau d’informations.
A noter : généralement, le bilan partagé de médication peut s’effectuer en 2 à 4 entretiens uniquement. Les entretiens du Bilan Partagé de Médication sont espacés de plusieurs mois. Initialement, il y a un court intervalle entre le premier et le deuxième rendez-vous, mais par la suite, lors des phases de suivi et de bilan, ces entretiens sont planifiés à plusieurs mois d'intervalle. En effet, la réalisation de l'analyse peut nécessiter plusieurs semaines pour le pharmacien. Cela devient d'autant plus crucial lorsque des ajustements sont apportés par le patient, comme des modifications dans ses habitudes de prise de médicaments, car les avantages de ces changements ne seront observables par le professionnel de santé qu'à long terme.
5 difficultés auxquelles font face les pharmaciens durant le bilan partagé de médication ?
Durant la réalisation des étapes citées précédemment, les pharmaciens font face à une multitude de défis qui influent sur la qualité du bilan partagé de médication, en particulier les contraintes d'un temps prolongé nécessaire pour recopier les prescriptions dans le logiciel.
À cela, s’ajoutent :
- Les complexités liées à l'agrégation d'informations provenant de sources savantes lors de l'analyse,
- La nécessité de synthétiser de manière concise et claire l'ensemble des données recueillies,
- Les défis de communication parfois présents dans les échanges avec les médecins traitants,
- Le manque de temps ou des ressources humaines limitées.
Aujourd’hui, des solutions novatrices dont plateformes numériques dédiées ont émergé pour surmonter ces obstacles, optimisant ainsi le temps de travail des professionnels de santé en officine.
Quels outils utiliser pour réaliser un bilan partagé de médication ?
Sans outil, l’analyse dans le cadre d’un bilan partagé de médication peut donc être fastidieuse.
Il faut imprimer toutes les prescriptions, les retranscrire, puis réorganiser les traitements en fonction de leurs indications avant de rechercher les potentielles interactions et autres informations en questionnant les sources savantes.
Un temps qui pourrait être optimisé en étant équipé d’une solution numérique directement intégrée dans le logiciel métier. Il en existe plusieurs aujourd’hui dont celui de Posos, solution de recommandation thérapeutique pour les soignants.
Posos : un nouvel outil automatisé de bilan partagé de médication
C’est justement pour aider les pharmaciens à gagner du temps que Posos vient de lancer sa dernière fonctionnalité totalement dédiée aux pharmaciens d’officine pour le bilan paragé de médication. Dans le cadre du BPM, il automatise entre autres les comptes rendus de bilans partagés de médication, évalue l’observance et est en mesure de retranscrire en quelques secondes les prescriptions des patients au moyen d’une simple photo pour que le pharmacien puisse directement être alerté s’il y a des médicaments à l’origine des effets indésirables ou encore pour évaluer la charge anticholinergique.
Ces risques potentiels associés aux médicaments permettent au pharmacien d’orienter ensuite certaines de ses questions au moment du recueil. Par exemple, s'il identifie un risque élevé d'effets anticholinergiques, le pharmacien peut interroger le patient sur des symptômes tels que la sécheresse buccale ou les problèmes de mémoire. De même, en anticipant les effets indésirables spécifiques, le pharmacien peut poser des questions pour évaluer la présence de symptômes liés à ces effets secondaires. Cette approche permet au pharmacien de mieux comprendre la tolérance du patient aux médicaments et d'optimiser les recommandations en conséquence.
Plus précisément, grâce à des algorithmes puissants, il permet de récupérer et analyser les données de prises médicamenteuses des patients afin d’identifier les risques de complications liés aux médicaments ou à la non-adhésion aux traitements pour une meilleure prise en charge. De plus, en permettant d'assurer une discussion ouverte avec le patient, il facilite l'identification de tous les risques liés à l'adhésion aux traitements et aux effets indésirables, contribuant ainsi à une approche globale et proactive de la gestion médicale.
Cet outil facilite la coordination entre soignants via une plateforme unique intégrée de partage des informations autour du patients, mais aussi connectée à la messagerie sécurisée des soignants, permettant de discuter des traitements et de coordonner les soins pour garantir une prise en charge cohérente et de qualité.
Aussi, la réalisation d'un bilan partagé de médication nécessite généralement plus de trois heures de travail, ce qui n’est pas forcément très avantageux vis-à-vis de la rémunération de 60 euros que perçoit un pharmacien. Si les pharmacies mettent en place cette procédure avant tout pour accompagner leur patient, l’utilisation d’un outil tel que Posos pourra contribuer à optimiser leurs ressources pour des résultats accrus.
Pour plus d’informations sur les avantages de ce outil, découvrez le communiqué de presse.
En résumé, cette mission des pharmaciens d’officine réaffirme une fois de plus leur fonction essentielle auprès des patients. Le bilan partagé de médication est une approche collaborative entre patients, médecins et pharmaciens qui permet une compréhension mutuelle des traitements et donc de réduire les risques de iatrogénie et d’adhésion thérapeutique.. Déjà mis en place avec succès dans plusieurs pays d’Europe dont l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal (8), il est indéniable que le bilan partagé de médication améliore la qualité des soins de santé.
Sources de l’article :
- Libération, “Médicaments, la vieillesse en pleine overdose”, 16/09/2013 : lien.
- Rapport IATROSTAT, “Les hospitalisations pour effet indésirable médicamenteux en hausse et certaines évitables”, 2022 : lien.
- HAS, ”Comment améliorer la qualité et la sécurité des prescriptions de médicaments chez la personne âgée ?” : lien.
- Omedit Pays de la Loire, “Entretien pharmaceutique”, 28/10/2022 : lien
- Le Quotidien du Pharmacien, “7 Français sur 10 font confiance à leur pharmacien”, 21/04/2022 : lien.
- Ameli, “Le bilan partagé de médication : l’accompagnement pharmaceutique des patients âgés polymédiqués”, 07/12/2022 : lien.
- Le Figaro, “Médicaments : un Français sur deux ne suit pas ses prescriptions”, 26/01/2017 : lien.
- Ordre National des Pharmaciens, “Bilans partagés de médication, c'est parti !”, 30/03/2018 : lien.